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Basilic & Cocatris

Basilic

Le boulanger et le Basilic :
    " Anno Domini MCCII. Sous le règne du kaiser Frédéric II, un basilic naquit d'un coq. Il était semblable à l'effigie ci-dessus, et le puits dans lequel on le découvrit fut bouché, sans doute parce que son venin avait fait mourir plus d'une personne. "
Telle était l'inscription gravée près de la porte d'une vieille maison de Vienne, en Autriche. Maison et inscription ont été détruites, mais l'histoire nous est parvenue.
C'était donc en 1202 : Frédéric II de Hohenstauffen n'avait alors que huit ans, n'était encore que roi de Sicile et vivait à Palerme. Peu importe ; retournons à Vienne chez le maître-boulanger Garhibl, un veuf au caractère exécrable, qui vivait avec sa fille, la belle et blonde Apollonia et un apprenti, Hans, qui était amoureux de la jeune fille. Un jour, Hans eut le courage de demander la main d'Apollonia à son patron qui éclata en une violente colère et le chassa.

" Si ce coq pond un oeuf "...
    Le travail de la nuit venait de se terminer : les premiers pains sortaient du four, dorés et croustillants ; le coq chantait, annonçant l'aube.
" Si ce coq, aussi impudent que toi - hurla Garhibl - pond un oeuf, tu pourras revenir me demander la main d'Apollonia ! "
Hans s'en alla. Des mois passèrent.
    Un nouveau puits venait d'être creusé auprès de la boulangerie de maître Garhibl. Sa servante alla au petit matin y puiser de l'eau. Au bout de peu d'instants, elle revint, balbutiante de terreur et son seau vide : une puanteur terrible montait du puits, et, au fond, quelque chose scintillait vaguement. Le boulanger ordonna alors à son nouvel apprenti - le successeur de Hans - d'aller voir ce qui se passait dans le puits. S'aidant de la corde, le jeune garçon descendit, mais, arrivé en bas, tout près de l'eau, il s'évanouit. On appela les voisins qui le hissèrent, le ramenèrent à la surface : à l'air frais du matin, il se ranima. L'incident fit grand bruit dans le quartier, tant et si bien que quelqu'un prévint le chef de la justice de Vienne. Il se dérangea en personne, accompagné de gardes armés de piques.
Le chef de la justice entendit d'abord le témoignage des voisins : la plupart accusaient le maître Garhibl qui, à cause de son mauvais caractère, ne s'était fait que des ennemis autour de lui.
Il y avait, par hasard, dans la foule, un homme fort instruit, qui affirma que la cause de la puanteur du puits était un basilic, cet animal terrifiant qui tuait de son regard et empoisonnait de son haleine.

Il ne pouvait supporter sa propre vue...
    Aucune arme n'avait de pouvoir contre lui. Heureusement, il y avait tout de même un moyen de vaincre cet être fabuleux et terrifiant : son aspect était si horrible qu'il ne pouvait lui-même en supporter la vue, et qu'il en mourait.
Il suffisait donc de lui présenter un miroir.
Un jeune homme fut volontaire pour cette expédition : c'était Hans.
L'apprenti boulanger descendit, muni d'un grand miroir, et il délivra le quartier du monstre.
Naturellement, Hans épousa Apollonia, car le coq avait pondu un oeuf : celui qui devait donner naissance au basilic !
Avec l'histoire nous est venue aussi l'effigie dont parlait l'inscription : elle rappelle un peu celle d'un coq. D'autres disent : d'un serpent.

 

Coq, Crapaud, Basilic...
    Le nom de basilic vient de l'adjectif grec : basilicos, ou royal, parce qu'on le considérait comme le roi des Serpents.
Il avait une origine étrange : il naissait d'un oeuf pondu par un coq âgé de sept ans, et seulement à certaines époques de l'année : aux jours où brille l'étoile Sirius. C'était un oeuf complètement sphérique, protégé non par une coquille, mais par une membrane épaisse : un crapaud devait le couver. Le coq le pouvait-il aussi ? On en discutait entre savants avec passion et force arguments opposés.
Le basilic tenait de ses deux parents - le vrai et le nourricier : il avait des mœurs de crapaud et certains caractères physiques du coq.
Mais il était on ne peut plus dangereux : le " Dialogue des Créatures " - un très vieux livre imprimé en 1480 - rappelle qu'il est le " roi des serpents ", mais que ces derniers eux-mêmes le fuient, car " son souffle, comme son aspect, sèment la terreur ".
Les savants modernes ont essayé d'éclaircir le mystère du basilic, et le grand géologue autrichien Édouard Suess a cru trouver une explication - géologique, comme il se doit ! Pour lui, l'effigie conservée depuis 1202 est le monstre lui-même : un morceau de grès, d'une forme étrange, mais naturelle. Le sous-sol de Vienne est constitué de grès et d'argile. Il faut percer ces couches pour atteindre la nappe d'eau qui est en dessous.

L'haleine mortelle du Basilic...
    Or, ces eaux sont parfois très sulfureuses et nauséabondes, mêmes asphyxiantes.
Ce qui, se produisant dans le puits de maître Garhibl, donna naissance à la légende du Basilic de Vienne.
Konrald Gesner, au milieu du XVIeme siècle, disait déjà que les évanouissements et même les décès, survenus au fond de cavernes et de puits, avaient pour cause " un air vicié, moisi, empoisonné, nauséabond et des plus nocifs ". L'haleine mortelle du Basilic !
Boaistuau - l'auteur des " Histoires Prodigieuses " - nous fournit un complément de description, quand il nous dit que le basilic " porte une tache blanche en la tête, qui lui sert de couronne ".
Pour Pline, cette couronne était en or !
" Sa tête fort aiguë - poursuit Boaistuau -, la gueule rouge, ses yeux et sa couleur tirant sur le noir, il chasse de son sifflement tous les autres serpents ; il fait mourir les arbres de son haleine, il brûle les herbes, rompt les pierres, infecte l'air où il demeure, tellement qu'aucun oiseau n'y saurait passer sans péril. Il tue les hommes de son seul regard.
Bien que cet animal n'ait pas plus d'un pied de longueur, il est si vénéneux qu'il éteint et suffoque même les autres serpents de son haleine. Bref, il est si inconfortable, qu'il infecte de son haleine les cités et provinces situées près du lieu où il fait sa demeure. "
Et de nous citer en exemple un drame survenu lors du creusement d'un égout, drame qui n'est pas sans rappeler l'affaire du puits de maître Garhibl, mais beaucoup plus meurtrier, puisqu'il fit quatre morts par asphyxie : " plusieurs, ne pouvant comprendre la cause de ceci, ont pensé qu'il y eut un Basilic en cette caverne ", conclut Boaistuau à la suite du grand savant J. Cardan.

 

Cocatris (à venir...)